Comment Apporter la Preuve d’un Risque Psychosocial au Travail ?
Stress chronique, DUERP et Dialogue social : leviers ou impasses ?
Avec la montée en flèche des troubles psychiques liés au travail et les 1 287 décès professionnels recensés en 2023, la prévention des risques psychosociaux (RPS) est devenue un enjeu de santé publique. Mais dans les faits, comment un salarié peut-il apporter la preuve d’un danger psychosocial, d’un burn-out ou d’un manquement à l’obligation de sécurité ? Et quelles marges de manœuvre pour les entreprises qui souhaitent (vraiment) agir ?
Pourquoi cette question devient-elle urgente ?
Le Code du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité de résultat, incluant les RPS. L’article L.4121-1stipule que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » Légifrance – Article L.4121-1.
Pourtant, en 2025 encore, près d’une entreprise sur deux ne tient pas à jour son Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
C’est pourtant un élément central pour anticiper les signaux faibles.
– Cécile, cadre dans la finance :
« Il a fallu que je m’effondre en réunion pour qu’on prenne au sérieux mon niveau d’épuisement. Le DUERP mentionnait un ‘stress modéré’, rien de plus. »
Quels types de preuves peut-on produire pour établir un risque ou un manquement ?
Voici les principaux outils aujourd’hui utilisés dans les entreprises et reconnus dans le droit :
- Le DUERP (Document Unique) : il doit inclure les RPS. Sa non-mise à jour peut être une preuve de carence de l’employeur.
- Les indicateurs collectifs : absences, turnover, résultats des baromètres QVCT ou entretiens professionnels.
- Les certificats médicaux ou expertises psychologiques reliant le trouble à l’organisation du travail.
- Les alertes internes, fiches SST ou CSSCT.
- Les témoignages de collègues ou managers.
– Karim, responsable QHSE :
« Les arrêts maladie se sont multipliés. Mais tant qu’on n’avait pas de preuve ‘objective’, la direction restait sourde. C’est la CSSCT qui a déclenché une enquête. »
L’enregistrement clandestin ou les preuves « hors cadre » sont-ils recevables ?
Selon la jurisprudence constante, un enregistrement clandestin reste illégal s’il porte atteinte à la vie privée, mais il peut être recevable en cas d’impossibilité d’obtenir une preuve autrement (Cass. soc. 4 juill. 2012, n°11-30.266 ; Cass. soc. 25 nov. 2020, n°17-19.523). Il faut que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Extrait utile :
“Une preuve obtenue de façon déloyale peut être admise si elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts en présence.”
Quelle place pour la prévention primaire et le dialogue social ?
Selon le CESE et la loi du 2 août 2021, la prévention ne peut être réduite à des formations ponctuelles. Elle doit intégrer :
- Une approche interdisciplinaire et collective, pilotée avec les SPST (Services de Prévention et de Santé au Travail).
- Une démarche de co-construction avec les représentants du personnel.
- Un dialogue social ancré dans l’analyse des conditions de travail.
Le DUERP doit être révisé annuellement, rendu accessible aux salariés, et devenir le socle des actions de santé mentale en entreprise.
Quels sont les risques juridiques pour l’entreprise en cas d’inaction ?
- Sanctions de l’inspection du travail (amendes, mise en demeure).
- Condamnation aux prud’hommes pour manquement à l’obligation de sécurité.
- Réparation du préjudice d’anxiété ou moral (dommages-intérêts).
- Atteinte à l’image employeur.
Le lien entre stress chronique et pathologies reconnues (burn-out, dépression, AVC, TMS) est désormais bien établi dans la doctrine juridique et médicale.
5 recommandations clés pour les entreprises
- Réviser immédiatement le DUERP en intégrant les facteurs RPS (stress, surcharge, désorganisation, perte de sens).
- Former les managers à la prévention comportementale, pas seulement juridique.
- Instaurer un droit d’alerte effectif en CSSCT ou CSE.
- Mesurer les signaux faibles : micro-absences, burn-out silencieux, feedbacks anonymes.
- Inclure une évaluation genrée des risques, conformément à l’article L.4121-3 du Code du travail.
FAQ – Risques psychosociaux et preuve en entreprise
1. Un salarié peut-il engager la responsabilité de l’employeur sans harcèlement avéré ?
Oui. Le manquement à l’obligation de prévention suffit à engager la responsabilité de l’employeur.
2. Peut-on parler de RPS sans burn-out ou diagnostic médical ?
Oui. Le stress chronique, la perte de sens ou les violences managériales sont des RPS en soi.
3. Que faire si la direction refuse de reconnaître un malaise ?
Solliciter la CSSCT, documenter, alerter le SPST et, en dernier recours, saisir l’inspection du travail.
4. Un témoignage anonyme est-il recevable ?
Oui, surtout s’il est corroboré par d’autres éléments ou par le médecin du travail.
5. Existe-t-il un risque à trop documenter un climat délétère ?
Non, si cela reste confidentiel. La preuve « par faisceau d’indices » est centrale en droit social.
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